dimanche 29 septembre 2013

"Ma vie, ma vie, ma très ancienne..."


À l’occasion des 40 ans d’Art Press en décembre dernier, Houellebecq avait donné une lecture de poèmes inédits. Les voici publiés en recueil dans Configuration du dernier rivage (Flammarion).

Les poètes ont ceci en commun avec les grands sportifs qu’ils connaissent des états de grâce. L’état de grâce se définit par une absence totale de résistance. La part d’effort des gestes mille fois répétés disparaît. Une sensation d’extrême facilité envahit l’exécutant comme l’observateur. Tout ce que tente le performeur se solde par une réussite insolente.
La poésie, c’est ce moment où l’émotion déborde la pensée. Le signifié des mots devient secondaire, leur faculté d’évocation prime. Le rythme produit des effets de sens. Le son et même parfois le visuel endossent un rôle important.
Mais attention souligne Houellebecq poète et lecteur attentif du linguiste Jean Cohen, la poésie ne se réduit pas pour autant à un jeu sur le langage, "la poésie parle autrement du monde, mais elle parle bel et bien du monde, tel que les hommes le perçoivent."
Qu’est-ce qui a changé dans la perception du monde par Houellebecq récemment? L’âge et le deuil réveillent des souvenirs et invitent à la méditation. Les dates de rédaction éparses des poèmes témoignent de ce retour sur le passé. Les grandes thématiques sont un indice de ce questionnement existentiel. Le caractère hétéroclite du recueil quant à lui est lié au "moi océan". Des mots reviennent cependant. L’écriture s’apparente à une thérapie.
La catharsis apporte une coloration nouvelle à une œuvre toujours plus époustouflante et ramifiée. En même temps, elle fait ressortir certains éléments déjà présents. On peut penser au narrateur-héros dans Extension du domaine de la lutte qui se met à écrire durant son séjour en maison de repos, à la méditation sur le cadavre pratiquée par le commissaire Jasselin dans La carte et le territoire, aux sketches de Daniel1 dans La possibilité d’une île ou encore à la méthode de Rester vivant. Il y a là toute une série de pistes à explorer, et qui prouvent combien la poésie occupe une place centrale chez Houellebecq, tant il est vrai également que la poésie ne s’arrête pas au livre.

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