dimanche 29 septembre 2013

Entre filature et flânerie, Jean Rolin poursuit son oeuvre

Sous couvert d'un livre-gag, l'écrivain français Jean Rolin bouleverse les codes avec son dernier roman, habilement pensé et très accompli.

Dans son précédent live, Un chien mort après lui, Jean Rolin nous confiait son attirance pour Britney Spears. En toute logique, il publie cette rentrée un roman autour de la star (Le ravissement de Britney Spears, P.O.L, 2011). Car c'est bien de cercles dont il est question, autant dans la trajectoire effective que dans le dédale des informations. Il suffit pour s'en rendre compte de regarder les transitions entre les chapitres. Pas de continuité simple. A chaque fois, le narrateur-héros pose des problèmes nouveau, en rejoue des anciens, et il convient au lecteur de s'abstraire pour donner un sens, une direction, à tout ce matériau romanesque. L'alternance entre les scènes rapportées du Los Angeles people et la situation du héros en exil au Tadjikistan donne une profondeur au dispositif, la figure du lecteur étant dédoublée par le personnage de Shotemur, avec des effets d'écarts et de mise en abîme.
La narration est d'une grande originalité. Rolin disperse les données essentielles du récit et les perd dans le magma du texte, comme pour mieux restituer cette expérience tout à fait singulière et propre à l'écrivain, entre la filature et la flânerie.
De quelle Britney Spears s'agit-il?
De Britney Spears en réalité, Rolin n'obtiendra que des aperçus fugitifs ("une masse informe de chevaux blonds", son visage fatigué dans l'ouverture d'une portière), et les pages web qu'il consultera ne pourront que plus amèrement lui faire sentir, par le contraste entre leur aberrante profusion et leur désespérante pauvreté, l'évanescence profonde de la star. Le charme s'estompe au profit de Lindsay Lohan, puis se rompt à l'arrivée de Wendy, sosie de Britney mais égérie bien réelle.
Comment en ressort Jean Rolin?
La phrase de Rolin s'allonge, se complexifie. Digressive par nature, elle tend à un vertige du langage, à ces instants d'équilibre absolu où l'inessentiel le dispute au piquant. Thibaudet parlait de l'irréalisme engendré par le style proustien. La notion acquiert une pertinence nouvelle à notre époque, et Rolin en use très efficacement.
Après s'être efforcé de constituer un personnage romanesque à partir d'un personnage historique (le maréchal Ney dans La clôture), Rolin poursuit son oeuvre en nous prouvant que rien, pas même l'éphémère, ne résiste à la fiction. Ainsi le biographique apparaît comme un succédané du fictionnel, entreprise à laquelle s'attèlent d'autre écrivains en ce moment. Mais il faudrait pour traiter cela un autre article.

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