dimanche 29 septembre 2013

Chef d'oeuvre d'érudition, défaite du roman


Evénement de la rentrée littéraire, Aurélien Bellanger, 32 ans, auteur d’une monographie sur Houellebecq, publie un premier roman : La Théorie de l’information. En comparaison à son mentor, Bellanger fait pâle figure. Son livre ne séduit pas.

Dans un entretien accordé au Ring en 2010, Houellebecq déclarait, au sujet de l’équilibre romanesque : "La culture philosophique ne nuit pas, mais il faut que quelque chose de plus violent domine." C’est ce "quelque chose de plus violent" qui peine à exister dans le roman d’Aurélien Bellanger.
Le projet ne manquait ni d’ambition ni d’originalité ; retracer l’évolution de l’informatique sur les trois dernières décennies, de l’invention du Minitel au Web 2.0. De ce point de vue, le pari est réussi. Mais n’attend-t-on pas autre chose d’un roman qu’un exposé, aussi brillant soit-il? Le personnage principal, Pascal Ertanger, dont l’histoire individuelle, de manière un peu forcée, scande le destin collectif, n’a rien d’attachant, à tel point que le lecteur peut, au détour d’une page plus abstraite ou plus ennuyeuse que les autres, phénomène non rare, se désintéresser de lui. A part l’effet d’étrangeté produit par les interludes philosophico-scientifiques – ou comment noyer le roman dans une eau qui l’alimente déjà en grande partie – et la métaphore religieuse, malheureusement aussi peu exploitée que recherchée, le récit suit une trame linéaire, sans sursaut ni analepse, autrement dit sans surprise.
Nous aimons l’hybridation en littérature, mais pour qu’il y ait hybridation encore faut-il un matériau plus classique qui fasse contraste. Où sont les scènes dialoguées qui donnent du rythme à la narration et corps aux personnages? Où est le discours indirect libre qui permet de traverser les esprits? Où sont passés les adjectifs, marqueurs de subjectivité dans la langue? L’article du personnage secondaire Xavier Mycenne aurait pu être intéressant, s’il n’empruntait la même voix, objective et factuelle, que celle du narrateur.
Nous défendons l’idée d’une littérature qui nous renseigne sur le monde, mais pas à la façon d’une compilation Wikipédia.
La Théorie de l’information n’a pas la complexité, le souffle, le burlesque, la noirceur, le scandale (au sens étymologique), la poésie des grands textes houellebecquiens.
Aurélien Bellanger a écrit sans le souci du lecteur, celui-ci passera son chemin.

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