mercredi 21 novembre 2018

Sue M. Halpern, « Au centre du débat : le big data » [2016], trad. Olivier Postel-Vinay, Books, novembre/décembre 2017.

« À l’automne 2016, un groupe de programmeurs a organisé un concours de beauté mondial en ligne, jugé par un système d’intelligence artificielle. L’idée était que l’ordinateur serait capable d’analyser les photos envoyées par des milliers de participantes du monde entier et d’identifier selon des critères objectifs les femmes représentant la beauté idéale. Est-ce surprenant que, à une personne près, le robot n’ait choisi que des reines de beauté blanches ? Les chercheurs avaient “entraîné” la machine à partir d’une base d’images principalement constituée de photos de femmes à la peau claire. “Bien que l’équipe n’ait pas construit l’algorithme pour qu’il traite la peau blanche comme un signe de beauté, écrit Sam Levin dans The Guardian, les paramètres ont amené les robots-juges à tirer cette conclusion.” »

lundi 12 novembre 2018

George Packer, « Cheap Words », The New Yorker, 17-24 février 2014, disponible en ligne.

« The division [Amazon Studios] pursued an unusual way of producing television series, using its strength in data collection. Amazon invited writers to submit scripts on its Web site – “an open platform for content creators,” as Bill Carr, the vice-president for digital music and video, put it. Five thousand scripts poured in, and Amazon chose to develop fourteen into pilots. Last spring, Amazon put the pilots on its site, where customers could review them and answer a detailed questionnaire. (“Please rate the following aspects of this show: The humor, the characters…”) More than a million customers watched. Engineers also developed software, called Amazon Storyteller, which scriptwriters can use to create a “storyboard animatic” – a cartoon rendition of a script's plot – allowing pilots to be visualized without the expense of filming. The difficulty, according to Carr, is to “get the right feedback and the right data, and, of the many, many data points that I can collect from customers, which ones can tell you, "This is the one"?” »

mardi 26 juin 2018

Baptiste Rappin, Au régal du Management. Le Banquet des simulacres suivi de Fragments de l'inhabitation managériale, Nice, Ovadia, 2017, p. 77-78.

« Docilité, adaptation, domestication, comportementalisme… le management développe une anthropologie qui réduit l’homme à l’animal ou à l’ordinateur : dans les deux cas, le naturalisme informationnel amoindrit la conscience, instance du jugement, pour favoriser la réaction immédiate à un stimulus. Machine informationnelle, le Dasein n’est plus le « là » de l’être et se meut dans un espace virtuel sans lieu. La cage de fer est aujourd’hui en silicium.
La cybernétique, science du mitan du XXe siècle, est le savoir du pilotage des organisations. Régime inédit d’une gouvernementalité informationnelle qui opère à partir d’une modélisation fonctionnelle du réel. Revanche des simulacres sur les formes, et naissance d’une tyrannie douce, à visage humain, fondée sur le contrôle et l’auto-contrôle.
Aussi ne faut-il pas hésiter à voir, dans ce mépris de la chair par le management et la gouvernance cybernétique, une forme actualisée de gnosticisme et de haine du monde. »

vendredi 18 mai 2018

Jaime Semprun, Défense et illustration de la novlangue française, Paris, Éditions de l'Encyclopédie des Nuisances, 2005, p. 13-14.

« Selon une anecdote bien connue rapportée par Racan, « quand on lui demandait son avis de quelque mot français », Malherbe renvoyait aux « crocheteurs du port au Foin » comme à ses maîtres pour le langage. De la même façon, quand certains doutent que les transformations du français introduisent une langue véritablement nouvelle, on peut les renvoyer à l’usage, tel qu’il prévaut partout où la langue se forme plutôt au contact des « machines intelligentes » qu’à celui des livres et de l’ancienne « culture agricole ». Mais si la réalité de la mutation en cours est peu contestable, il reste qu’il est bien sûr très difficile de décrire positivement et d’analyser un idiome encore en gestation, dont les caractères spécifiques apparaissent pour l’instant surtout en creux, pour ainsi dire, à travers ce que son essor détruit des anciennes formes de la langue. La plupart de ceux qui constatent le phénomène estiment d’ailleurs l’avoir suffisamment défini en parlant d’appauvrissement, voire de déstructuration, de décomposition ou de décadence. Cependant la simplification de son lexique et de sa syntaxe marque bien plutôt la vitalité du français, sa compétitivité, sa capacité de s’adapter aux nouvelles exigences de rapidité et de flexibilité, de mobilité et d’efficience, qui s’imposent à ceux qui le parlent. Les qualités ainsi acquises par la langue ne sont autres que celles qui deviennent toujours plus nécessaires à ses locuteurs, c’est-à-dire à nous tous ; car la « sphère techno-marchande » n’est pas habitée par les seuls décideurs. En outre le français, tout en se simplifiant d’un côté, s’enrichit de l’autre : l’usage de très nombreux nouveaux mots s’établit avec celui de produits, de connaissances et de procédés techniques eux-mêmes constamment renouvelés, ces nouveaux mots servent à forger toutes sortes de tournures et d’images originales, et surtout l’allégement des anciennes contraintes syntaxiques stimule l’invention de constructions inédites. L’interchangeabilité toujours plus grande des divers éléments de la phrase, les mots pouvant de plus en plus être employés comme verbes, noms, adjectifs ou adverbes, permet, à partir d’un stock de mots limité, un nombre de combinaisons presque infini. »

samedi 14 avril 2018

Timothy Aubry, Reading as Therapy: What Contemporary Fiction Does for Middle-Class Americans, Iowa City, University of Iowa Press, 2011.

« At the very least, the Amazon reviews demonstrate that an awareness of the cultural and historical specificity embedded in a character’s experience can coexist rather comfortably with cross-cultural identification and feelings of shared humanity. Scholarly arguments frequently frame the two perspectives as mutually exclusive, at times endorsing a version of identity politics that scoffs at notions of universality, dismissing the ability of individuals within a privileged demographic category to understand the experience of those at the margins. And critics may be correct in asserting a contradiction or tension between the urge to identify with characters and the urge to acknowledge difference; but nonacademic readers are apparently able to manage this contradiction, negotiating effortlessly, if sometimes unthinkingly, between the two urges, each of which is necessary, I would argue, in different circumstances to manage the complicated social challenges that a multiethnic and globalized America produces. Perhaps responsible for readers’ untroubled capacity to perform this particular oscillation is the manifestly affective character of their interpretive experience – a state of responsiveness that can eschew the logical imperative to decide between two incongruous perspectives. »

mardi 10 avril 2018

Trevor Pinch, « Book Reviewing for Amazon.com. How Socio-technical Systems Struggle to Make Less from More », in Barbara Czarniawska and Orvar Löfgren, Managing Overflow in Affluent Societies, New York, Routledge, 2012, p. 79.

« Reader reviews also started to affect how publishers released books. J. K. Rowling’s Harry Potter series, before becoming the international bestsellers whose publication date was coordinated all over the world, were always published first in the UK. When the second book in the series, Harry Potter and the Chamber of Secrets, came out in the UK months before it appeared in the US, more than eighty rave reviews appeared at the US Amazon site, including instructions on how to order the UK version with delivery in less than eight days. »