dimanche 29 septembre 2013

Barthes et la bêtise: un rapprochement fécond

Claude Coste, auteur de Roland Barthes moraliste et responsable d'une anthologie Roland Barthes, consacre un nouvel ouvrage au maître, éclairant, très fouillé et passionnant.

La redécouverte de Roland Barthes a été amorcée par la publication, revue et corrigée, de ses Oeuvres complètes aux éditions du Seuil en novembre 2002. Depuis, c'est une averse de parutions relatives au natif de Cherbourg.
Textes inédits, archives manuscrites et sonores, biographies (on en attend une nouvelle pour février 2012), ouvrages de vulgarisation, essais critiques, actes de colloques, articles de presse, éditions de luxe, est-ce un mystère si l'étudiant en littérature d'aujourd'hui se prend de passion pour le sémiologue des années 70? Le récent essai de Claude Coste, Bêtise de Barthes (Klincksieck, 2011), est à ranger dans ce dossier. Mais avant lisons-le.
Du combat contre le stéréotype à la revendication d'une certaine naïveté, le thème de la bêtise traverse l'oeuvre de Barthes. Cependant, Claude Coste n'a pas choisi de suivre la chronologie, il a préféré rassembler les approches du phénomène selon différents axes: "explorer ma propre bêtise", bêtise du stéréotype, bêtise du corps "écrit", bêtise en littérature, bêtise en politique et bêtise en voyage. Le nombre et la diversité des références témoignent d'une connaissance approfondie, et si la lutte pour le titre de spécialiste de Barthes est bel et bien engagée, Claude Coste apparaît comme un candidat sérieux. A propos, on pourrait d'ailleurs distinguer entre ceux qui ont connu l'auteur de La Chambre claire et ceux qui ne l'ont jamais rencontré, Claude Coste appartenant au second groupe.
La spirale de la bêtise
Soulignons la richesse des mises en perspective. La vraie réussite du livre est d'échapper au genre de la compilation pour donner à lire une reformulation progressive de la bêtise. D'abord, celle-ci se pose comme repoussoir de tout travail intellectuel. Ensuite, elle apparaît liée plus fondamentalement non à l'intelligence, mais à la subjectivité. Enfin, la poursuite de l'originalité ne sauvant pas de la répétition, la bêtise se désamorce par l'acceptation du sujet, inévitablement un peu bête, que je suis, par l'appropriation de la réalité, la littérature étant l'espace de cette affirmation. D'aucuns reconnaîtront là l'image de la spirale.
Barthes fut taxé d'ineptie par certains. C'est un autre mérite du livre que de proposer une réévaluation des polémiques (le "fascisme" de la langue, Picard et la Nouvelle Critique ou encore la réception de La Peste de Camus). On regrettera l'insertion typographique des références dans le corps du texte, mais il s'agit d'un moindre défaut au vu des nombreuses qualités.

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