dimanche 20 novembre 2016

Olivier Rey, Quand le monde s'est fait nombre, Paris, Stock, 2016, p. 113-114.

"L’ingénieur et économiste écossais William Playfair fut le premier à avoir l’idée, dès la fin du XVIIIe siècle, de présenter les statistiques numériques non plus selon des listes ou des tableaux pénibles à déchiffrer (c’est le cas de le dire), mais en usant d’un certain nombre de procédés graphiques propres à rendre l’information directement intelligible. Dans le Commercial and Political Atlas, dont la première édition date de 1786, l’évolution de certaines quantités avec le temps, ou la comparaison de différentes quantités, ne sont plus exposées sous la forme de suites ou de colonnes de nombres, mais de courbes et d’histogrammes. Dans le Statistical Breviary, publié en 1801, apparaissent des disques dont les aires sont proportionnelles aux quantités à exprimer, ainsi que les diagrammes circulaires (pie charts en anglais, ‘camemberts’ en français). À l’époque, les innovations de Playfair rencontrèrent peu d’échos en Grande-Bretagne et c’est d’abord sur le continent que ses ouvrages, très rapidement traduits, firent école – malgré l’accueil pour le moins réservé de nombre de statisticiens à ces méthodes graphiques qu’ils prenaient, à tort, pour des fioritures inutiles ou des fantaisies nuisibles à l’expression des informations. Jacques Peuchet, auteur en 1800 d’un Essai d’une statistique générale de la France, en jugeait ainsi: '[Playfair] a eu la prétention singulière de faire voir à l’œil les forces respectives de chaque État, à l’aide de cercles, dont les rapports de diamètre sont entre eux comme ces mêmes forces. Cette nouveauté ne peut rien ajouter à la statistique; l’on a jamais vu que l’application inusitée des méthodes d’une science à une autre en ait avancé les progrès. Ces tours de force peuvent en imposer ou amuser les esprits qui aiment les formules symboliques, mais ne peuvent que déplaire à ceux qui veulent une instruction solide et claire.'"

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