mardi 21 novembre 2017

[Grimod de La Reynière], Almanach des Gourmands, Paris, Maradant, 1803, p. 200-203.

"Il ne nous appartient point de décerner la palme, même dans l'art de varier toutes les formes du cochon ; mais s'il falloit porter un jugement dans cette partie, nous serions bien tentés de la donner à M. Corps, charcutier, rue St.-Antoine, près celle Cloche-Perche, très - renommée chez les Gourmets pour toutes les marchandises qui sortent de sa fabrique. Ses saucisses sont croquantes, et d'un excellent sel ; ses boudins sont de la crême en boyau ; ses andouilles délicates, sans être trop grasses ; ses cervelas, soit au poivre, soit aux truffes, soit à l'ail, rivalisent avec ceux de Lyon ; son jambon a ce degré de sel qui est le secret des grands hommes de l'art ; ses pieds de cochon farcis aux truffes et aux pistaches, sont dignes de la table des Dieux : enfin, ses langues n'ont jamais dit que d'excellentes choses. Aussi la foule est-elle chez M. Corps, malgré son éloignement du centre de Paris ; et n'a pas, de ses articles, qui veut : car, malgré l'activité de cinq à six aides et de plusieurs commis, il ne peut suffire aux demandes verbales, ni à la correspondance.
[...]
Avant de traverser la rivière, voyons si nous n'avons rien oublié dans cette partie de Paris. Ah ! M. Brigault, restaurateur, rue Fromenteau, jouissoit de quelque réputation : allons voir s'il la mérite toujours. Mais, quoi ! Sa porte, ci-devant ouverte à tout le monde, et son hôtel, le passage le plus commode et le plus fréquenté de Paris, sont impitoyablement fermés. Fuyons ! Un restaurateur qui, mû par quelque motif que ce soit, fait une telle insulte au public, ne mérite plus que le public se rende chez lui. Puisse-t-il, puisqu'il ferme ainsi sa porte au nez des gens, n'être jamais troublé dans son égoïste solitude !"

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