"Un
chapitre de l’ouvrage À l’école des
robots, tout à fait intéressant, est intitulé, de façon prospective, ‘25 novembre
2010, Projet Rimbaud’. Le Projet Rimbaud est un travail
collectif et multinational. Trois établissements y participent: les
collèges de Courbevoie et Charleville, et le Centre culturel français au Yemen.
Il doit aboutir à la création en commun d’un DVD sur l’œuvre du poète et sa vie
aventureuse.
Un
agent pédagogique virtuel, baptisé Verlaine,
coordonne les contributions des élèves et les interventions des trois
professeurs: des enseignants numériques déchargent les enseignants
humains de leurs tâches les plus répétitives. Verlaine et les trois éducateurs charnels travaillent, si j’ose
dire, main dans la main…
Les
tâches sont partagées: à Charleville et à Courbevoie, on mène des
enquêtes sur le parcours du poète en France (évocation du Paris de 1870 avec
une caméra vidéo numérique) à Aden; on s’intéresse, bien entendu, à la
saga africaine du poète.
Les
trois classes travaillent en outre sur ‘Le Dormeur du val’. ‘Ce sonnet
dénonçait la cruauté des combats de façon étonnamment moderne, écrit Michel
Alberganti. Au-delà de l’analyse de la construction du poème, les élèves, qui
ont l’âge du poète, tenteront d’en écrire de nouvelles versions à partir de leurs propres sentiments sur la mort
violente d’adolescents.’
Avec
tous ces merveilleux instruments, avec toutes ces techniques futuristes, nos
élèves deviendront-ils de meilleurs lecteurs de Rimbaud attentifs à ce qu’il a
d’unique et peut-être d’inactuel à nous dire? Non, bien sûr, car il leur
faudrait pour cela s’immobiliser, se débrancher, s’écarter de leurs habitudes
et de leurs allégeances, non se mettre en réseau.
Un
poème est un poème, et c’est sur une feuille imprimée qu’on peut le découvrir,
y revenir, l’apprendre, l’expliquer. Il faut aux mots du poème un domicile
fixe, un lieu où on les laisse tranquilles. Ce lieu, c’est le livre.
L’écran
remplit donc un tout autre rôle. L’élève internaute n’est plus lecteur, mais un
reporter du passé, un collecteur d’informations, un journaliste dans l’Histoire.
Et c’est aussi un créateur, un jeune stimulé par un autre jeune – Arthur – à mettre
en mots sa révolte contre la société, contre la police, contre le racisme.
Nul
besoin d’Internet pour lire. On a besoin d’Internet, en revanche, pour noyer le
livre. On a besoin d’Internet pour mettre les mots en mouvement, pour les faire
voler, pour en finir avec le scripta
manent! On a besoin d’Internet pour passer de l’auteur et des égards
qu’on lui doit à la communication
exubérante et au droit d’être auteur
désormais reconnu à chacun. On a besoin d’Internet pour dissoudre toute
sacralité, toute altérité, toute transcendance dans l’information et dans l’interaction.
On a besoin d’Internet pour passer de l’œuvre à ce qu’on appelait, avec une
subversive majuscule, dans les années soixante-dix, le Texte."
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