« En 2012, pour le 35e anniversaire de la réception du signal “Wow”, des chercheurs de l'observatoire d'Arecibo ont préparé une réponse de l'humanité contenant 10 000 messages Twitter destinée à l'endroit d'où provenait le signal d'origine. Ils ont tout fait pour qu'une vie dotée d'intelligence puisse décoder les vidéos de personnalités et tweets en accompagnant chaque message d'une séquence en boucle afin que le destinataire sache que les messages lui sont bien destinés et proviennent d'une autre forme de vie. Le signal voyage vers la constellation du Sagittaire à la vitesse de la lumière. Espérons qu'il soit reçu par des extraterrestres bienveillants. »
dimanche 25 février 2018
Raffaël Enault, Dustan superstar. Biographie, Paris, Robert Laffont, 2018.
« Son [William Baranès] second texte pour [le deuxième numéro de Qui vive international. Le magazine de la langue française, publié en février 1986,] présente un intérêt biographique plus net. Il s'intitule « Orthographe et informatique : le complexe de l'accent plat ». Sorte de plaidoyer pour un langage simplifié, une novlangue « moderne » et robotique – qu'il adoptera dans certains de ses livres en tant que Guillaume Dustan à partir de 2001 –, cet article préfigure et théorie son combat futur contre les rigueurs de la langue française :
“L'ordinateur précipitera-t-il le français pour n'en laisser plus subsister qu'une “zazie-langue” allégée de ses cédilles, accents et autres appendices ? Affaire à suivre.
[...]
Or, au royaume des doubles consonnes, du pluriel des mots composés, et des s et t du pluriel qui produisent l'ambiguïté e/es/ent, l'ordinateur, bête de logique, ne s'y retrouve pas non plus. Remarquons au passage que la majeure part des complexités de l'orthographe non grammaticales nous est un legs du goût pour l'étymologie des imprimeurs-érudits des XVIe et XVIIe siècles, à qui nous devons de ne plus écrire en français, mais en grec et en latin – n'en prenons pour exemple que homme pour home, doigt pour doit, physique et autres rhéteurs. Tandis que le français les conservait, des langues telles que l'espagnol ou l'italien se sont débarrassées depuis des siècles de ces difficultés, au besoin par décrets royaux. Les supprimer, ce serait fournir à l'informatique une langue plus logique, appropriée à son traitement, et ne plus avoir besoin de recourir à de coûteux systèmes d'autocorrection, ou de tolérance aux fautes d'orthographe, comme cela sera nécessairement le cas si l'orthographe actuelle demeure.”
Assistant pour l'occasion au colloque « Orthographe et informatique » organisé à la Défense par le Carrefour international de la communication où « informaticiens, linguistes, historiens et chercheurs étaient conviés à se prononcer sur la nécessité de réformer l'orthographe à l'heure du passage de la “galaxie Gutenberg” à “l'ère informatique” », William se passionne pour ces problématiques alliant modernité informatique et contraintes historico-linguistiques. Il en rapporte même plusieurs propositions de réformes – lesquelles, en gros, devraient conduire à « débarrasser [la langue française] de tout ce qui dépasse, à savoir les signes diacritiques, accents, cédilles et trémas ». Il plaide en faveur d'une langue plus simple et plus libre consistant à écrire sans règle en français et surtout à renforcer l'apprentissage de l'anglais, langue, selon lui, plus universelle que la nôtre :
“[...] il est bien certain, en revanche, qu'une relative dékrispassion en la matièr ne feré pa de mal : la défense de la langue franssése ne doi pas rimé avec la défense de ses abérations. Un purisme excessif nous coute suremen non seulemen de l'argen ais des étudians étrangés rebutés par no dificultés alor que la nessessitée économique ou politique de conaitre notre langue é devenu bocou mouins essenssiele cue cèle de connaître l'anglé.” »
lundi 22 janvier 2018
John Douglas & Mark Olshaker, Mindhunter. Dans la tête d'un profileur [1995], trad. Agathe Fournier de Launay, Neuilly-sur-Seine, Michel Lafon, 2017.
« Tout ça pour vous dire que j'aurais bien aimé qu'il suffise de fourrer une main – ou n'importe quelle autre partie du corps – dans une machine pour obtenir un profil ! Pendant des années, des experts en informatique ont travaillé avec des enquêteurs à la conception de logiciels qui reproduiraient les étapes de notre raisonnement. Sans succès.
Les choses ne sont pas aussi simples ! L'analyse des lieux du crime et du profil du criminel ne se résume pas à enregistrer des données dans une machine puis à appuyer sur un bouton. Pour établir un profil valable, vous devez être en mesure d'évaluer un grand nombre d'éléments et de pièces à conviction. Mais il faut aussi que vous soyez capable de vous identifier à l'agresseur et à sa victime.
Vous devez recréer mentalement la scène du crime. Il faut que vous en sachiez le plus possible sur la victime pour pouvoir imaginer comment elle a pu réagir dans la situation où elle s'est trouvée. Vous devez être capable de vous mettre à sa place quand l'agresseur l'a menacée avec une arme, un couteau, une pierre, avec ses poings ou autre chose encore. Vous devez ressentir sa peur quand il s'est approché d'elle. Vous devez ressentir sa douleur quand il l'a violée, battue ou tailladée. Vous devez imaginer ce qu'elle a enduré quand il l'a torturée pour satisfaire ses fantasmes sexuels. Vous devez comprendre ce que l'on éprouve quand on crie de terreur et d'agonie en sachant que cela ne changera rien, que cela ne l'arrêtera pas. Vous devez savoir tout ce que la victime a ressenti. Et c'est particulièrement difficile à supporter quand il s'agit d'un enfant ou d'une personne âgée. »
jeudi 18 janvier 2018
Jarett Kobek, Je hais Internet [2016], trad. Jérôme Schmidt, Paris, Pauvert, 2018, p. 88-89.
« CHAQUE VIDÉO hébergée par YouTube était accompagnée d'une interface à travers laquelle les utilisateurs pouvaient commenter la vidéo en question. Ce système alimentait les débats entre utilisateurs de YouTube.
Typiquement, ces débats avaient pour sujet : 1) Si oui ou non la personne de la vidéo, bien souvent une gamine de treize ans, était une petite salope dégueulasse qui méritait de crever. 2) Si oui ou non le président Obama détruisait le pays et/ou suçait des bites en enfer. 3) Si oui ou non les autres utilisateurs commentant la vidéo étaient de pauvres cons. 4) Si oui ou non les Noirs étaient des Cø##@®. 5) Si oui ou non les hommes asiatiques avaient des petits pénis. 6) Comment les clandestins mexicains volaient les meilleurs emplois.
Afin de participer à ces débats, durant lesquels de petites gens s'attaquaient à d'autres petites gens, les utilisateurs de YouTube revenaient voir la vidéo plusieurs fois.
Chaque fois que les utilisateurs de YouTube revenaient voir la vidéo et renouvelaient leur intention de traiter une inconnue de petite salope dégueulasse qui méritait de crever, Google vendait de la publicité et engrangeait encore un peu plus d'argent.
Google gagnait de l'argent grâce à des débats se demandant si oui ou non le président Obama suçait des bites en enfer tandis qu'il détruisait l'Amérique. Le tout légèrement saupoudré de commentaires quant au fait que les Noirs étaient, ou non, des Cø##@®.
Tout allait bien. YouTube avait la même réputation que Twitter. C'était un outil pour activistes qui célébrait la liberté de parole et la liberté d'expression. Cela avait apporté le printemps au Moyen-Orient. »
dimanche 7 janvier 2018
Christopher Lasch, La Culture du narcissisme. La vie américaine à un âge de déclin des espérances [1979], trad. Michel L. Landa, Paris, Flammarion, 2010, p. 79-80.
« Mais la bureaucratie n'est que l'un des nombreux facteurs sociaux encourageant une prédominance sans cesse accrue de la personnalité de type narcissique. Un autre de ces facteurs est la reproduction mécanique de la culture, la prolifération d'images visuelles et auditives dans notre 'société du spectacle'. Nous vivons dans un tourbillon d'images et d'échos qui interrompt l'expérience et la rejoue au ralenti. Les caméras et les machines à enregistrer ne transcrivent pas seulement le vécu, elles en altèrent la qualité, donnant à une grande partie de la vie moderne le caractère d'une énorme chambre d'échos, d'un palais des miroirs. La vie se présente comme une succession d'images ou de signaux électroniques, d'impressions enregistrées et reproduites par la photographie, le cinéma, la télévision, et des moyens d'enregistrement perfectionnés. La vie moderne est si complètement médiatisée par les images électroniques qu'on ne peut s'empêcher de réagir à autrui comme si leurs actions – et les nôtres – étaient enregistrées et transmises simultanément à une audience invisible ou emmagasinées pour être scrutées plus tard. 'Souriez, la caméra invisible vous observe!' L'intrusion de cet oeil omniprésent dans la vie quotidienne ne nous étonne plus et ne nous surprend plus sans défenses. Inutile de nous rappeler qu'il faut sourire. Ce sourire accueillant, bienveillant s'est gravé sur nos visages et nous savons même sous quels angles il est le plus flatteur. »
mardi 12 décembre 2017
« Maurice G. Dantec : visions du chaos », propos recueillis par Eric Cervera, Rage, n° 18, mai 1996, p. 58.
« C'est vrai que sur Internet, tu peux trouver tout ce que tu veux. Si tu as envie de fabriquer une bombe dans ta cuisine, en cherchant un peu, tu trouveras toutes les informations nécessaires pour y arriver. Mais rien n'oblige à fabriquer une bombe. C'est un peu comme l'énergie nucléaire, tu peux t'en servir pour créer des centrales civiles comme pour des bombes. Tous types d'infos sont disponibles sur Internet, à chacun des les utiliser comme il l'entend. Il y a du positif et du négatif en toutes choses. La communication en réseau est intéressante car elle échappe à tout contrôle gouvernemental, et ne connaît pas de frontières. Elle annonce d'une certaine façon la fin du système de politique et d'Etats que nous connaissons. Ce réseau culturel mondial va dissoudre les frontières, les barrières sociales et ethniques. Les valeurs auxquelles nos politiques s'accrochent désespérément vont disparaître, car le contrôle quasi absolu que les gouvernements essayaient d'avoir sur l'information et la culture va complètement leur échapper. Ce qui va en découler ? Probablement un chaos énorme dans un premier temps, puis, par la suite, de nouvelles règles du jeu en ce qui concerne les échanges culturels à l'échelle mondiale, ce qui aura forcément un impact sur notre civilisation.
[...]
Je pense que dans un futur proche, on va se rendre compte que les substances hallucinogènes sont un moyen de se connecter aux machines, dans un univers virtuel où esprit et machine pourront se retrouver et dialoguer. Imagine les conséquences que cela aura, car dans ce cas, pour communiquer avec les machines, ces hallucinogènes devront être non seulement commercialisés, mais aussi officiellement produits. Les gouvernements devront alors légaliser et aussi produire ces substances, jusque-là interdites et illégales. Ça va être un beau bordel ! C'est génial, non ? »
[...]
Je pense que dans un futur proche, on va se rendre compte que les substances hallucinogènes sont un moyen de se connecter aux machines, dans un univers virtuel où esprit et machine pourront se retrouver et dialoguer. Imagine les conséquences que cela aura, car dans ce cas, pour communiquer avec les machines, ces hallucinogènes devront être non seulement commercialisés, mais aussi officiellement produits. Les gouvernements devront alors légaliser et aussi produire ces substances, jusque-là interdites et illégales. Ça va être un beau bordel ! C'est génial, non ? »
vendredi 8 décembre 2017
Donald Morrison, Que reste-t-il de la culture française ?, trad. Michel Bessières, Paris, Denoël, 2008, p. 75-76.
« Le magazine économique allemand Capital, qui suit de très près la scène artistique internationale,
a mis au point un instrument fiable ou, du moins, généralement reconnu comme
tel. Chaque année, le magazine publie son Kunst
Kompass (boussole de l’art), soit la liste des cent artistes les plus
influents dans le monde, à partir d’une formule complexe qui prend en compte
divers critères tels que les mentions dans les principales publications
consacrées à l’art, la présence d’œuvres dans les grandes collections et la
participation aux manifestations d’envergure internationale. En 2007, l’Allemagne
comptait trente-six noms sur cette liste, les États-Unis, vingt-six, le Royaume-Uni,
onze. La France, elle, devait se contenter de quatre mentions (Christian
Boltanski, Daniel Buren, Sophie Calle et Pierre Huyghe). Aucun Français n’apparaissait
parmi les dix premiers, alors que quatre Allemands et quatre Américains y
figuraient. »
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